jeudi 11 juin 2009

Jean-Michel CARADEC


Caradec était un compagnon de route de Maxime Le Forestier. Resté sur le carreau un peu plus longtemps que lui, il sort ce premier album vers 1972-73. A l'inverse du barbu baba-cool, Caradec choisit d'emblée des arrangements plus travaillés, des textes moins typés. Au risque de se vautrer dans la mièvrerie via un romantisme exacerbé. Et pourtant. Sous une apparence certes plus superficielle que les chanteurs à texte de l'époque, Caradec ne fait pas que chanter les Coralines, de Madeline, Christophe et Lison. Tu t'appelles pas Blanche-Neige, dit-il sur Mords la Vie. Démystification en douceur.

Hommage à Brian Jones aussi. Goguenard souvent, graveleux parfois (Quelle Histoire), Caradec savait aussi se dévoiler (La Course au Soleil, singlant).

Parachuté en haut du hit-parade d'André Torrent avec Ma Petite Fille de Rêve, sur l'album suivant, Caradec aura toujours un public entre deux chaises : variétoche ou chanteur à textes ? C'est l'époque où il fallait choisir son camp, camarade. Pas question de second degré, connais pas. Et l'on oublie trop souvent que Caradec était aussi producteur, pour assurer les fins de mois. On lui doit un album de Jack Treese. Magnifique. C'est pas du Patrick Juvet, les cocos.

Et puis aussi, Caradec était dévoué à Dylan ET Elton John. Pas facile de concilier les deux. Il n'y arrivera pas.

Malgré les vagues de reéditions CD à tout va, les albums Polydor ne connaîtront jamais la joie du numérique, à l'exception d'un affreux Master Series vite fait bien fait. Son épouse et ses enfants reéditeront plus ou moins à compte d'auteur les albums suivants (dont l'immense Portsall), maladroitement malheureusement, et sans grand succès.

Décédé dans un bête accident de la route en pleine tournée, en 1981, nous ne saurons jamais ce qu'aurait pu nous offrir un Caradec à 40-50 ou 60 ans. Plus mûr qu'un Souchon ou un Bashung à l'époque, on ne peut qu'imaginer les chefs d'oeuvre dont il nous aura fatalement privé.

J'aime à croire que ce premier album fera plaisir à quelques personnes. J'ai personnellement mis une dizaine d'années à retrouver le vinyl. Profitez-en maintenant. La suite dans un prochain numéro.

Jean-Michel Caradec

mardi 9 juin 2009

Y'a une Route


1975. Manset fait un carton avec Il Voyage en Solitaire. Sept ans ont passé depuis Animal on est Mal, après mai 68 la France s'est pris le choc pétrolier dans la figure, et l'ambiance n'est plus à la rigolade. Mike Brant s'est suicidé, Joe Dassin laisse tomber les chansonnettes sympatoches pour verser dans le slow italo-libidineux (énorme succès de l'Eté Indien).

Pour Manset, toujours trop lucide, cela ne change rien si ce n'est que le voilà en phase avec un nouveau public, prêt à tout laisser tomber, au moins le temps d'un slow. Pas fréquent. Cela se reproduira avec Marin'Bar, au moment des derniers soubresauts des trente glorieuses, et basta. Manset ne digérera pas par la suite l'échec de Lumières et Prisonnier de l'Inutile. Break. Mais c'est une autre affaire.

C'est l'album de l'invitation aux voyages. Manset, de dos (bien sûr), sur un quai de gare, nous promet qu'il y'a une route (tu la prends qu'est-ce que ça coûte), de préférence en solitaire (nul ne l'oblige à se taire). Demande du fric à ton vieux, et tire-toi d'ici. Dans Royaume de Siam, Manset nous enverra une carte postale de ses voyages, et quelques raisons possibles de son départ (Balancé, Fini d'y Croire...). 

Voici donc Y'a une Route en version d'époque. A l'exception de deux titres l'album a été reédité en CD, mais en "remixage digital 1988". Quand on sait l'importance que Manset accorde au mixage - au point de mentionner sur ses pochettes "paroles, musiques, orchestration et mixage", la version d'époque - bien évidemment censurée - mérite une deuxième vie.

Y'a une route